Un accord est pris pour une audition au Sibemol, endroit habituel de répétitions pour l'orchestre. Convaincu par cette prestation, Jacques Kluger leur propose de les enregistrer le jeudi 15 septembre dans les studios Philips, rue du Poinçon. La prise de son est assurée sur un trois-pistes par un technicien doué : Roger Verbestel. Cette séance leur permet de mettre en boîte deux titres de leur composition. En fait, il s'agit de deux thèmes scouts que le quatuor a mis en musique.
Le premier est « Fuego », un chachacha bien rythmé, et le second « Kili Watch », un vrai rock, bien que dénommé chachacha-rock. Il leur faut maintenant trouver un nom de groupe. Le style latino-américain marchant du tonnerre, avec l'ensemble belge les Chakachas, ils pensent à Los Primos. Mais, par amitié pour Jean-Paul Wittemans, c'est la dénomination équivalente, « Cousins », qui est choisie.
Le 26 septembre 1960, Jean Kluger fait signer aux quatre Cousins un contrat d'exclusivité pour un an, renouvelable. Une première séance photographique est organisée dans l'enceinte du club Les Cousins. Peu après, coup d'éclat, Gus Derse claque la porte et quitte le groupe. La raison en est que, à l'insu des autres, Gus a déposé à la Sabam (la Sacem belge) les deux chansons alors que tous ont collaboré à leur élaboration. Gus Derse (30 ans) tire sa révérence.
Les Cousins, ayant toujours des contrats et le disque en cours de fabrication, doivent lui trouver un remplacement. Sur les conseils de Théo Parys, commerçant en instruments de musique et dépositaire des guitares Framus (une marque allemande) dont les Cousins sont de fidèles clients, on leur recommande un jeune musicien très doué, qui a acquis une basse dans ce magasin. Agé de 17 ans, Jacques Stekke (dit Jacky) accepte de rejoindre les Cousins. Entre-temps tout est mis en branle pour la sortie du 45 tours, lancé dans les salons de l'hôtel Plazza à Bruxelles.
Jean-Paul Wittemans commande un millier de disques, que Jacques Kluger lui remet gracieusement, le vendredi 14 octobre à 20 heures. Parmi les invités, il y a Dany Robin et son mari Georges Marchai. La particularité de ces mille disques, pressés pour la circonstance, est que « Fuego » figure en face A. Le premier à programmer « Fuego » à la radio est Jean-Claude Mennessier (animateur de la RTB dans les années 60), le 9 octobre à 14h15. Le lendemain, il fait écouter l'autre face, « Kili Watch ».
Il continue ainsi presque chaque jour, appuyant sur le fait que ce disque est 100 % belge. Les radios de la BRT (flamande) en font de même, la première diffusion de « Kili Watch » y a lieu le 13 octobre. Suivent les consœurs étrangères. On entend « Kili Watch » pour la première fois en France le 15 novembre dans Salut Les Copains et sur les ondes de Radio Luxembourg anglais le 30 octobre à 14h30. Cet air obsédant à base d'onomatopées se fait entendre partout : dans les grands magasins et aux entractes dans les salles de cinéma de Belgique. Le simple est proposé sous une pochette à fond noir montrant l'emblème du club Les Cousins, avec les deux morceaux mis en évidence, suivi de la mention « Jean-Paul présente », avec sous la tête la mention « The Cousins ».
Bien que d'autres formations belges aient déjà enregistré du rock'n'roll, on peut affirmer que « Kili Watch » a fait démarrer l'engouement des jeunes pour ce rythme en Belgique. Le succès de cette formation engendre la naissance de dizaines d'autres à trois guitaristes et un batteur. Plus de dix mille disques sont déjà vendus lorsque les Cousins sont les vedettes de la deuxième élection de Miss Grand-Place, organisée par Jean-Paul Wittemans dans son club, le vendredi 18 novembre et dont l'invité est le chef d'orchestre Reg Owen.
En novembre, leur chanson est classée à la 15e position (côté francophone) et 18e (côté flamand) dans le mensuel belge Juke Box, le magazine musical des jeunes. Cette revue, qui a un énorme succès, est éditée par Jan Torts à Malines. Elle est le reflet des tendances musicales de la jeunesse belge ; son hit-parade établi chaque mois est basé sur une collaboration avec les disquaires de tout le pays, donc sur la vente réelle. « Kili Watch » est repris en français par Johnny Hallyday et Bob Azzam sur des paroles de Jii & Jan, et en flamand par Bobbejaan Schoepen, chanteur fantaisiste dans les Flandres ; d'autres artistes les suivront (dont Plastic Bertrand).